Résultats du premier biomonotoring wallon

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Analyse en laboratoire
En 2020, l'Institut scientifique de Service public (ISSeP) lançait la première campagne de biosurveillance en Wallonie. Pour mieux connaître l'influence des substances chimiques sur l'organisme, l'urine et le sang de plus de 800 personnes ont été étudiés. Les résultats étant à présent connus, la Région dispose désormais de premières valeurs de référence en la matière.

L'objectif de cette étude, menée en collaboration avec le CHU-Liège et l'UCL, les Cliniques Universitaires Saint-Luc et Sciensano, est de déterminer le niveau d'exposition de la population wallonne aux substances chimiques présentes dans l'environnement extérieur et intérieur, l'alimentation, les emballages et les produits courants.

Le biomonitoring est un ensemble des méthodes utilisées pour détecter la présence de certaines substances dans le corps humain, notamment par le prélèvement d'échantillon de sang, tissus, cheveux et d'urines. Il est utilisé pour évaluer le degré d'exposition des populations aux effets de la pollution.

L'étude coordonnée par l'ISSeP vise à obtenir des données de référence sur l'exposition des Wallons à une série de substances polluantes et chimiques, émergentes ou plus anciennes tels que :

  • certains perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A et ses alternatives présentes, notamment dans les matières plastiques des emballages;
  • certains pesticides utilisés actuellement (comme le glyphosate) ;
  • des substances utilisées il y a plusieurs années (comme le DDT) ;
  • d'autres substances comme les métaux ou les POP (Polluants Persistants Organiques).

Elle servira, à terme, à déterminer les actions à mener pour diminuer l'exposition de la population à ces substances potentiellement dangereuses. 

Au total, 828 Wallons et Wallonnes (dont 261 adultes de 20 à 39 ans, 283 adolescents de 12 à 19 ans et 284 nouveau-nés) se sont portés volontaires pour mesurer leurs niveaux d'imprégnation à une cinquantaine de substances chimiques via des analyses de sang et d'urine. Les résultats personnels ont été communiqués aux participants en toute confidentialité. En cas de crainte pour la santé, les personnes sont invitées à contacter leur médecin pour analyser leur situation personnelle.

Quels sont les premiers enseignements ?

Les analyses de sang et d'urine de 828 Wallons montrent une présence de plomb, de pesticides et de polluants organiques persistants, malgré des interdictions datant parfois d'il y a 40 ans. Il est toutefois à noter que cette exposition est globalement semblable aux valeurs observées ailleurs en Europe.

1. Les pesticides toujours présents

Concernant les insecticides utilisés actuellement : au moins un produit de dégradation (métabolite) d'insecticides pyréthrinoïdes et d'insecticides organophosphorés a été détecté dans plus de 90 % des échantillons d'urine des adolescents et des adultes.

Pour les produits comme l'herbicide glyphosate (interdit en usage privé en Belgique depuis le juin 2017), il se retrouve dans près d'un quart des échantillons d'urine. De plus, les concentrations mesurées chez les adolescents sont significativement supérieures à celles mesurées chez les adultes pour la grande majorité des pesticides actuels.

Concernant les pesticides anciens, interdits depuis plusieurs dizaines d'années, ils sont encore détectés chez 20 % des participants adultes et adolescents. Ceci est dû à la persistance de ces molécules dans l'environnement durant de nombreuses années après leur utilisation.

L'Union européenne s'est engagée à réduire de moitié l'utilisation et les risques liés aux pesticides chimiques d'ici 2030. Le Gouvernement wallon va plaider pour que ces données soient intégrées dans les débats en cours sur la Politique agricole commune.

2. Les bisphénols diminuent

Le BPA, encore largement présent dans de nombreux produits de la vie de tous les jours (conserves, canettes, bouteilles en plastique, emballages, récipients en plastique, tickets de caisse thermiques, ...,) est celui qui a été mesuré en plus grande quantité mais dans des concentrations nettement inférieures à celles rapportées dans toutes les études réalisées entre 2007 et 2017. Cela semble confirmer une tendance à la baisse dans le temps, résultant des différentes restrictions d'utilisation imposées en Europe et des campagnes de sensibilisation auprès des consommateurs (label « sans BPA »).

3. Présence de POPs et métaux toxiques

Malgré leur interdiction depuis plus de 40 ans, 6 polluants organiques persistants (POPs) comme les PCB et les pesticides anciens ont été retrouvés sur la vingtaine recherchés en particulier chez les adolescents et les adultes.

Des métaux toxiques comme le mercure, le cadmium et l'arsenic ont été retrouvés chez la grande majorité des Wallons. Leur présence a pu être reliée à la présence de plombage dentaire (Hg), à une consommation récente de poisson (Hg, As) et au tabac (Cd).

4. Trop de plomb dans le sang

Les valeurs de référence d'exposition du plomb sanguin déterminées pour les nouveau-nés et les adultes en Wallonie sont supérieures aux valeurs de risque sanitaire établies par l'EFSA (l'Autorité européenne de Sécurité des Aliments) et aux valeurs de vigilance françaises. En ce qui concerne le plomb, plusieurs facteurs d'explication existent comme le tabac, les peintures au plomb ou les vieilles conduites d'eau. Rappelons que les distributeurs wallons d'eau s'attellent depuis une quinzaine d'années à remplacer les raccordements en plomb sur les réseaux respectifs. Il y avait en 2007 plus de 100 000 raccordements en plombs, il en reste moins de 3000.

5. PCB et métaux lourds

Concernant les PCB, utilisés massivement jusque dans les années 70 pour leurs propriétés d'isolation électrique notamment, ils sont toujours présents après 40 ans d'interdiction. Les résultats ne montrent heureusement pas de dépassement de la valeur de risque pour la santé.

Ces résultats devront être confirmés localement : en effet, à la demande de la Ministre Tellier, l'ISSeP prépare un biomonitoring spécifique autour des sites des broyeurs à métaux en Wallonie, qui sera prochainement lancé dans les communes concernées.

L'objectif est de mobiliser entre 50 et 100 personnes volontaires par site (adolescents si possible ou jeunes adultes), qui confieront à l'ISSeP un échantillon de sang et d'urine et de répondront à un questionnaire. Cette phase de recrutement démarrera en décembre. L'analyse de ce biomonitoring spécifiqueportera plus globalement sur les polluants organiques persistants et les métaux lourds. Les résultats seront alors comparés avec ceux du biomonitoring wallon portant sur l'ensemble de la population.

Analyses complémentaires et deuxième campagne de biosurveillance

D'autres analyses vont être menées pour comparer le type d'environnement des participants (urbain, agricole, ...) et les habitudes de vie. La phase 2 du biomonitoring complètera cette photographie inédite de la population wallonne avec de nouvelles classes d'âge et des catégories de substances supplémentaires, dont certains per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont en cours d'investigation.

L'étude s'intègre dans le Plan ENVIeS 2019-2023 (Plan Environnement-Santé wallon) adopté par le Gouvernement Wallon et qui a pour ambition d'étudier et limiter les risques environnementaux sur la santé humaine au moyen de 79 actions concrètes.